Voilà déjà une heure et demi que ma cervelle travaillait afin d'accumuler et de synthétiser le plus d'informations utiles possible. Mais je n'en pouvais plus et je vais vous expliquer pourquoi. Si un jour vous avez l'incroyable occasion de rentrer dans ma chambre, vous observerez que mon bureau est juste en face d'une grade fenêtre qui laisse entrevoir toute l'agitation de l'upper-east-side. Et, en ce dimanche de révision, il faisait un temps sublime et ce soleil qui s'amusait à réchauffer ma peau me donnait envie de sauter par la fenêtre. Je soupirai un grand coup et, comme je m'en doutais, je ne pus résister à la tentation de prendre mes affaires dans une sacoche et de sortir en courant de ce grand appartement. ClubMasters sur le nez, OK. Tenue détendue et adaptée au beau temps, OK. J'étais paré à aller manger un bout dehors et à aller ensuite réviser à Central Park. C'était toujours mieux de réviser là-bas plutôt que seul dans ma chambre. Je passai donc par un Starbuck Coffee, pris un Frappuccino "vanille-caramel" avec un Cinnamon Roll et c'était parti pour attaquer ma séance de révision.

Décidément, tout allait mal pour moi en ce sublime dimanche de juin. Je m’étais levé du pied gauche et j’avais révisé pendant au moins trois heures et demi ce qui ne m’était pas arrivé depuis bien longtemps. Il devait être autour de trois heures de l’après-midi lorsque je fus … Dérangé par ce gars de mon âge : Matthew Carnegie. J’avais bien sur remarqué la présence de plusieurs chevaux dans le parc mais je ne m’attendais pas à ça. Il y a beaucoup de choses que j’ai acceptées dans le passé. Mais le passé n’est pas nommé ainsi pour rien, c’est une époque révolue.  Et c’est valable pour moi aussi. Je ne suis plus la bonniche du coin que l’on dérange sans représailles, mais, Matthew trichait. Il avait ce sourire déloyal qui m’avait déstabilisé au point de me laisser faire embrasser sans avoir montré ne serait-ce qu’un seul signe de résistance. J’avais fait l’erreur une fois et croyez moi je n’étais pas sur le point de retomber dans le piège surtout pas après ce qu’il venait de faire. 

Ce Matthew en question avait recouvert mes fiches, mon Cinnamon Roll, mes Stan Smith et mon T-shirt plus blancs que blancs avec un nuage de poussière. Je devinai (et lus) la fierté sur son visage et dans sa posture. Ah ! Il était content en plus, avec son sourire scotché au visage. Non mais pour qui il se prenait ? J’allais vite le faire descendre de ses grands cheveux au deux sens du terme. Je me levai alors avec lenteur et dépoussiérai un peu mes vêtements, j’enlevai mes lunettes de soleil pour le fixer avec un regard froid-bleu maintenant qu’il était à ma hauteur, physiquement parlant bien sûr. Je lui rendis son sourire avec le plus hypocrite que je pouvais lui balancer en plein visage. Et je dois dire que si j’avais pu m’assoir avec lui à un café pour parler posément, j’aurais probablement accepté. Mais, à présent, nous n’étions plus compatibles et je ne pouvais pas sympathiser avec l’ennemi. Même si c’était un peu tard désormais. Il fut le premier à parler, avec cette voix que je reconnaissais parfaitement. Pfffh, ne pouvait-il pas retourner en Europe celui-là ?

- Tiens tiens mais sur qui je tombe par hasard au beau milieu de Central Park ? Comment ça va Austin ? Je suis désolé je n'ai pas maîtrisé mon cheval assez tôt j'espère que je n'ai pas trop sali tes fiches...

Ah, mais c’est qu’en plus il avait décidé de me provoquer en face à face, au milieu de Central Parc. S’il savait à quel point il était inconscient. Je connaissais, de plus, assez bien Matthew pour savoir que s’il avait eu envie de m’éviter avec son cheval il l’aurait fait plus aisément que n’importe qui. Il était un grand joueur de Polo et personne ne pouvait lui enlever. C’est tout de même moi qui allais le regarder lors de ses entraînements lorsque je souhaitais encore intégrer l’élite New Yorkaise. Ah, la bonne mauvaise époque que je ne regrette absolument pas. J’en éprouve presque une pointe de nostalgie. Bon, ok, j’avoue que je suis bien content d’avoir rejoint les Amaryllis qui sont au moins un millier de fois plus mâtures et intelligents que les Lys, comme venait à nouveau de nous le prouver ce cher Matthew. Je ne le quittais pas des yeux, je le défiai du regard mais il ne baissa pas sa garde ni son sourire et je décidai alors de rentrer naïvement dans son jeu pour voir un peu ce qu’il me voulait.

- Hé Matthew tu aurais pu faire attention, regarde l’état de mon Cinnamon Roll, tu sais combien je les aime.  N’oses pas me dire que c’était un accident, je te connais assez pour te savoir pro de l’équitation. Sinon, jusqu’à maintenant j’allais plutôt bien et toi ? Au fait pourquoi tu es délibérément venu m’accoster ?

J’étais plutôt satisfait de l’action que venait d’effectuer ma bouche. Je rentrais dans son jeu de provocation mutuelle et je savais bien qu’il n’était ni du genre à aimer ce qui est trop vite acquis ni à abandonner facilement.  Braver l’interdit ne m’a jamais arrêté et si j’avais envie de vivre quelque chose avec Matthew alors, je le vivrais, mais, ça n’allait pas être de tout repos. Le plus dur allait être de le repousser assez pour ne pas lui faire croire que c'était déjà gagné mais il ne fallait pas non plus être trop violent parce qu’on sait reconnaître quand c’est impossible. Et puis j’étais à peu près certain qu’il allait fuir à la simple entente du mot « Amaryllis » résonnant à son oreille de personnage élitiste. Oulah, faut se détendre Austin, arrête donc un peu de réfléchir et agit pour une fois ou au contraire, abstient toi de faire quoi que ce soit. Cette histoire avait à peine commencée qu’elle me cassait déjà la tête.