◮ Depuis combien de temps es-tu à New-York ? Je viens de poser mes valises il y a 9 jours à New-York pour une opération, mais j'y ai vécu une fois, vers mes 17 ans, avec mes parents, quelques mois et j'en garde de bons souvenirs.
   ◮ Que penses-tu de la guerre entre les deux clans ? Franchement, je ne sais même pas qui sont les deux clans donc je ne pense rien du tout.
   ◮ Crois-tu qu'un jour tu pourrais prendre parti/as-tu déjà choisi ton camp ? Non, je m'en fou complètement. J'ai 24 ans, j'ai autre chose à faire de ma vie.
   ◮ As-tu des proches impliqués dans la guerre ? Je ne pense pas que mon frère soit impliqué dans ce genre d'histoire, enfin je n'espère pas.
   ◮ Selon toi, qui en sortira vainqueur ? On verra dans plusieurs années ou mois, je ne sais pas, je ne suis pas voyante.
   ◮ Que penses-tu de New-York ? répondre ici.
   ◮ Quels sont tes activités favorites ? Pour l'instant, rien, j'aimerais juste me poser un peu mais découvrir la ville sera sans doute une de mes activités préférés et passer du temps avec mon frère.
   ◮ Te sens-tu en sécurité à New-York ? Bah écoute, on en reparle dans une semaine d'accord.
   ◮ Veux-tu rester à New-York jusqu'à la fin de tes jours ? Bah non, je ne suis pas trop le genre de filles sédentaires, qui reste 1 an au même endroit. Je viens rendre visite à mon frère, le seul qui est vraiment posé dans la famille.
   ◮ Penses-tu avoir des amis sincères ? Je ne sais pas, j'espère. J'ai des amis un peu partout dans le monde
   ◮ Qu'aimerais-tu changer dans cette ville ? Je ne sais pas pour le moment, le rythme effréné, les gens sont vraiment trop presser ici..
   ◮ Quel est ton plat préféré, ton style de musique et toutes les autres choses de ce genre ? Je ne suis vraiment pas difficile, quand on a fait ce que j'ai fait, qu'on a rencontré les gens que j'ai rencontré, franchement, on est pas très exigeant mais j'aime beaucoup la nourriture américaine ou même asiatique. Et j'écoute de tout.
   ◮ Tu m'aimes ? Franchement, je ne te connais pas, si tu m'invites au resto, on en reparle, non je plaisante.

30 décembre 2014.
En pleine mission avec UNICEF. J'étais en Afghanistan pour aider les enfants qui souffre dans ce pays. On s'était installé en plein cœur d'un petit village. On avait construit un hôpital de fortune afin de prodiguer des soins à ceux qui en ont besoin, les enfants en priorités. Des soldats américains et du gouvernement afghan assuraient notre sécurité parce que c'était toujours un peu tendu. On essaie de rester positif, de soigner le plus de gens qu'on peut mais il y a tellement de malades et peu de soins que c'est difficile et certains sont déjà dans un état critique.On assurait également la distribution d'eau potable et de nourritures, qui était soigneusement compté pour permettre aux familles de mieux s'alimenter durant une période plus ou moins longue. Il y a également de petites écoles qui s'ouvrent de plus en plus, notre directeur lutte contre les enfants soldats.
Cette journée du 30 décembre 2014 était censé être une journée normal. Dans deux semaines nous devions repartir alors nous essayions de former un peu la population, de les sensibiliser, d'échanger tout simplement afin qu'ils puissent se passer de notre aide.. Mais vers 15 heures, tout a basculé. Je m'occupais d'une petite fille qui était terriblement malade. Sa mère me suppliait de la soigner, je faisais ce qui était en mon pouvoir, mais j'étais peu optimiste sur son cas, le médecin aussi, mais on espérait un miracle, des fois, cela se produisait. Tout s'est passé ensuite très vite, des hommes armés sont entrés et ils ont ouvert le feu. Je ne sais pas trop comment ils ont pu rentrer mais je me suis sentie tomber lourdement sur le sol et une vive douleur. Ils criaient des mots incompréhensibles et j'entendais à nouveau des coups de feu près de moi et j'en tremblais, des gens les suppliaient de ne pas les abattre, je devais me faire passer pour morte si je voulais m'en sortir, je fermais les yeux et je m'empêchais de respirer lorsque je sentais quelqu'un a côté de moi. Je tremble, j'ai froid, j'ai peur, je sens que je vais mourir. Quelques minutes passent et j'entends simplement des bruits, ils cherchent quelque chose.. Je m'empêche de pleurer, de respirer trop fort, je souffre le martyr, j'essaie de rester éveillée jusqu'au bout mais quand on est entrain de mourir, ne dit-on pas qu'on voit sa vie qui défile ? Car c'est exactement ce qu'il se passe pour moi.

Je me revois dans mon enfance avec mes deux frères et mes parents à faire le tour du monde. Nos parents sont des rêveurs avec un mode de vie très controversée, surtout quand on a des enfants. Ils ont toujours aimé faire le tour du monde et être en harmonie avec la nature alors du coup, on a toujours voyagé avec eux un peu partout à cause du travail de mon père. On a vécu un peu partout. Je suis née au Portugal tandis que mon petit frère est née 18 mois plus tard en Russie. Je me rappelle avoir aimé la douceur de l'Italie, en Sicile, on a même appris à mon petit frère à faire du vélo, mon meilleur souvenir reste le Brésil. J'ai eu mon premier amoureux là-bas, un brésilien magnifique qui s'appelle Diego. Cela duré 6 mois et j'avais 10 ans, mais c'est la première fois que je m'attachais, malgré moi, à quelqu'un d'autres autre que ma famille. On était voisins, nous n'allions pas à l'école mes frères et moi, c'était notre mère qui nous faisait classe avec des cours par correspondance. On est pas plus bête que d'autres enfants. On a toujours été des extraterrestres, notre mode de vie a toujours dérangé certaines personnes mais je l'ai toujours adoré, depuis que je suis petite. Même si parfois les adieu avec les gens qu'on rencontrait était difficile, mais on avait encore tant de chose à voir. J'ai toujours été la plus curieuse et la plus aventureuse des trois. Je n'ai jamais eu peur de l'inconnu, je n'ai jamais reculé devant rien.

A mon adolescence, je suis restée fidèle à moi-même, même si j'ai un fort caractère. Je voulais devenir une adolescente normal, sédentaires, avec les mêmes amis et un copain qui habite à deux pas de chez moi. C'est difficile de garder une amitié alors qu'on habite à des milliers de kilomètres l'un de l'autre. J'en ai eu assez à une époque, je l'avoue. Alors on avait un peu de mal à se comprendre avec mes parents et les portes se claquaient très souvent. Je voulais en faire qu'à ma tête et tester mes parents, alors j'aimais bien désobéir, les contredire. J'étais complètement immature et surtout, je ne voyais pas le danger. J'aurais pu me retrouver dans des situations assez dangereuses mais j'ai toujours eu une bonnes étoiles. Les études ? Je m'en foutais un peu. Je ne savais pas trop ce que je voulais faire de ma vie, tout ce que je sais, c'est ce que je ne voulais pas à être derrière un bureau. Je voulais de l'action, être sur le terrain, bouger. Vers mes 17 ans, on a déménagé à New-York. Mon frère est tombé amoureux de cette ville, moi je suis tombé amoureuse d'une personne. On est arrivé en janvier, on a fréquenté le même lycée. Lui, c'est vraiment le mec que j'ai aimé le plus. On avait la même vision du monde, c'est un esprit libre comme moi. J'ai passé mon diplôme en même temps et on l'a eu tous les deux. Fou amoureux, on s'est séparé car mes parents repartaient. J'aurais pu rester à New-York comme Louÿs mais j'ai eu peur de me faire briser le cœur, vraiment. On a continué de s'écrire, de s'appeler, pendant trois ans, puis on a commencé à espacer les appels, les messages pour au final, se concentrer tous les deux sur nos vies.

J'ai dû me poser deux ans à Chicago pour faire une formation d'infirmière pour l'UNICEF. C'est la première fois que je restais autant de temps dans une même ville. C'est assez différent, c'est vrai, mais c'était une expérience assez sympa puis j'ai vraiment découvert la signification du mot amitié. De vrais amis existent, comme une deuxième famille, on partageait nos expériences et je les faisais rêver en leur racontant mon enfance. Ils me faisaient aussi rêver, certains trucs sont vraiment cool quand on reste au même endroit. Ma « meilleure amie » ne faisait même pas partie du programme, c'était ma colocataire, elle faisait des études de stylisme dans une prestigieuse école de Chicago. Elle était aussi folle que moi, une terreur. La fille la plus fidèle et la plus adorable que je connaisse. Elle me manque tellement quand même..

J'ai fini ma formation d'infirmière avec succès et j'ai ensuite postulé à UNICEF qui recrutait des volontaires pour partir en mission. Je voulais vraiment aider les enfants. Ma première mission s'est fait en Inde, un pays émergent où les gens vivent quand même sous le seuil de la pauvreté. Je me rappelle m'être attachée à un petit indien, qui avait perdu ses parents. J'avais seulement 22 ans, je sortais tout juste de l'école et il m'a frappé en plein cœur. Ce n'était pas la première fois que je venais en Inde, mais je n'avais jamais été réellement dans les quartiers pauvres. On n'arrivait pas trop à se comprendre avec la barrière de la langue mais je l'aimais trop. On est resté trois mois. Je me rappelle avoir téléphoné à mes parents chaque semaine et leur racontait ce qu'il se passait. Je voyais des choses magnifiques mais aussi des trucs ahurissant, qui donnait envie de hurler. Je tiens un journal où j'y raconte tout depuis ce voyage afin de me libérer. A chaque fois que j'avais un moment de libre, je rejoignais mes parents qui continuaient leur quête du monde, de grands adolescents, amoureux comme au premier jour, mon modèle sur terre, c'est bien eux. On a eu des engueulades, des moments où on a tous claqué la porte, mais je ne peux pas me passer d'eux. Je suis passée voir mon frère Louys, de temps en temps, je restais une ou deux journées à New-York, pas plus. Je m'en voulais un peu, depuis que Louys était à New-York, on arrivait pas à trouver un moment pour réellement se voir. Je l'appelais quand même régulièrement, il allait bien et c'était vraiment ce qui comptait.

Depuis mars 2014, je suis en Afghanistan, une longue mission de neuf mois, à risque, afin d'éduquer au mieux la population. C'était long et j'avais loupé la moitié des anniversaires. Il y a vraiment du travail là-bas. Des épidémies, en veux-tu, en voilà, nous même, ce n'est pas faciles. Un de mes collègues a été infecté mais heureusement, on a pu le sauver. J'ai commencé par construire une école dans un village afin de lutter contre les enfants qui sont enrôlés pour devenir des soldats. J'ai voyagé un peu partout dans le pays, avec une petite crainte pour ma vie, mais on était toujours bien escorté et puis ces enfants ont besoin de moi, de nous, de notre solidarité.

Septembre 2014, nouvelle escorte, je rencontrais des soldats américains et je les félicitais pour leur travail. Ils vont bientôt se retirer d'Afghanistan, comme l'a promis Barack Obama. Je tenais à tous leur serrer la main vu qu'on allait se côtoyer pendant au moins trois mois. Arrivé devant un soldat, j'eus vraiment un choc. « Syham ? » souffla-t-il. Sa voix, je la reconnaîtrais entre mille. Je me fige en ne sachant pas quoi répondre. « Quelle bonne surprise. » dit-il avec un grand sourire. Il me serre dans ces bras alors que ça fait bien 6 ans qu'on ne s'est pas croisé, trois ans où nous avons arrêté de parler définitivement. « Je ne savais pas que tu t'étais engagé. » réussis-je à dire tout en le regardant, les soldats et les gens de mon équipe parlent entre eux. « Moi aussi je voulais changer le monde à ma façon.. » il me fait un clin d'oeil et je souris. On a passé toute la soirée à parler. Tout ce qu'on n'avait raté dans la vie de l'autre.Deux semaines après nos retrouvailles, il fut blessé et j'ai eu l'impression que mon cœur s'était arrêté. Il était à l'hopital militaire et j'avais des patients à m'occuper, mais chaque soir, je passais pour prendre des nouvelles. On a fini par s'embrasser mais c'était notre secret, même si cela crevait les yeux qu'on ressentait quelque chose l'un pour l'autre. Cela a toujours été le cas.

retour au 30 décembre 2014.
Des nouveaux coups de feu se font entendre et on nous demande de parler, les gens qui ont réussi à se cacher sorte avec quelques soldats. J'essaie de crier, mais je n'y arrive pas. Mes yeux sont clos, les forces me lâchent de plus en plus. Des pas se font entendre et je suffoque. « J'en ai une chef, mais elle est mal en point. » ce n'était pas une voix familière, je ne l'avais jamais entendu. Je sens qu'il me porte et je grimace. « Elle réagit encore, il faut se dépêcher de l'emmener » dit une autre voix. Ils me transportent dehors « Syham.. » celle la je la reconnaîtrais entre mille, j'avais besoin de l'entendre. Il était paniqué, je le sentais à sa voix mais il était là et je perdais connaissance.

3 janvier 2015
J'ouvrais les yeux, j'entendais les bruits d'une machine. J'avais l'impression qu'un train m'était passé dessus. J'étais avec une blouse et je sentais que je ne pouvais pas faire ce que je voulais. Une infirmière vient me voir et pose une main sur mon épaule. « Tu es enfin réveillée Syham, on a vraiment eu peur. » elle me souriait doucement et elle allait chercher un médecin, que je ne connaissais pas, il était assez vieux. Il me faisait le topo de mes blessures, me félicite d'être toujours en vie et il m'explique les prochaines étapes. « On va vous transférez par hélicoptère demain matin à New-York, vous avez de la famille là-bas qui pourra vous accueillir. » Il s'éloigne ensuite en disant qu'il a d'autres patients. Je n'ai encore rien dit. Certains de mes collègues se succèdent pour venir me voir. Ils me serrent tous contre eux, je n'ose pas leur dire que c'est encore un peu douloureux. Je me rends compte que j'ai vraiment eu de la chance. Puis dans l'après-midi, il arrive enfin, il en profite qu'on soit tout seul pour me serrer dans ces bras et m'embrasser. « Ne me refait plus ça Sy', tu m'entends.. » Il attrape ma main doucement et j'allais répondre quand un infirmier entre, nos mains se détachent automatiquement. L'infirmier me fait mes soins puis il le laisse à nouveau entrer. Un petit sourire sur ses lèvres. « On me fait rentrer.. » « Je sais, je te promets de revenir en vie. » il m'embrasse et il s'en va ensuite rejoindre ses camarades. Le lendemain, on m'emmène à New-York pour subir à nouveau une chirurgie car la balle a apparemment fait pas mal de dégâts interne.